Eleonora


Eleonora - Le moment est venu ! (roman, 324 pages), paru en avril 2018.

Le livre

Le point de vue de l'éditeur :

Eleonora, Efisia : deux prénoms, deux destins à la fois si lointains et si proches.
Hiver 1385, Eleonora d’Arborea rumine sa colère : depuis deux ans, Brancaleone, son mari, est injustement retenu captif par le Roi d’Aragon.
Le moment est venu de passer à l’action. Un choix sans retour possible, qui en appellera bien d’autres...
Automne 2007, Efisia apprend la mort de l’aïeul, Taniei. Elle devient la gardienne de sa mémoire. Une mort qui fera ressurgir un passé violent.
Le moment est venu d’affronter une réalité complexe.
Paul, témoin et acteur de cette histoire, accompagne Efisia, mais jusqu’où peut-il la suivre ?
Une action palpitante, une atmosphère envoûtante au coeur de la Sardaigne millénaire, théâtre magnifique de ces drames...

Extraits



Extrait 1e partie, chapitre 2

"Giulia"

Affairée dans sa cuisine, autant que le lui permettent ses maudits rhumatismes, Giulia prête l’oreille. À vrai dire, elle risque fort de ne rien entendre car, quoiqu’elle se refuse à l’admettre, elle n’a plus l’ouïe aussi fine qu’autrefois.
Partagée entre des sentiments contradictoires, elle a hâte que le couple revienne et d’un autre côté, elle voudrait prendre le temps de mettre ses idées en ordre avant son retour.
Il faut qu’elle parle à Efisia, elle l’a promis. Encore faut-il choisir le bon moment. Le secret qu’elle doit lui confier lui pèse de plus en plus ; dans ces conditions, le plus tôt sera le mieux. Comment lui parler seule à seule, hors de la présence de Paul ? Maintenant, ils sont toujours ensemble, ces deux tourtereaux ! L’a-t-elle assez souhaité que sa Pipiedda rencontre enfin un compagnon !
Il lui plaît celui-là, il n’est plus tout jeune, il a su se montrer patient, ne pas brusquer Efisia. Son seul défaut est de ne pas être Sarde, bien pis il est Catalan ! Et les Catalans ont longtemps été les ennemis des Sardes, c’est Taniei qui le lui a dit. Elle ne voulait pas le croire mais Efisia le lui a confirmé en souriant et elle a ajouté que c’était une histoire qui remontait à des siècles.



Extrait 1e partie, chapitre 4

"Révélation"

Efisia est comme assommée par de telles révélations. L’écheveau de ses pensées s’emmêle de plus en plus. Elle aurait voulu continuer à tout ignorer. Elle se sent piégée : impossible de revenir en arrière. Par instants, elle a presque l’impression que Giulia lui raconte l’histoire de quelqu’un d’autre. Elle se rappelle avoir entendu d’une oreille distraite des récits mettant en scène des bandits sardes. Pour elle ils appartiennent à un passé révolu et prennent des allures de mythes, au moins pour les plus anciens. Elle doit faire une effort pour se remémorer ce qu’elle a lu sur les années soixante-dix, les luttes sociales exacerbées par la pauvreté, surtout en Barbàgia où les bergers n’arrivaient plus à nourrir leurs enfants, la renaissance du banditisme, associée au réveil de l’esprit identitaire, sa politisation...
Giulia est restée immobile sur sa chaise basse, le visage figé dans une expression indéfinissable qui mêle fatalisme et dignité. Elle attend qu’Efisia trouve les questions à poser et elle y répondra de son mieux.



Extrait 1e partie, chapitre 7

"Eleonora"

Avec son nez en bec d’aigle et ses yeux vifs, le fauconnier ressemble à ses protégés. Il rappelle qu’on a longtemps redouté ce splendide oiseau, pourtant inoffensif, au point de le clouer sur les portes des granges. L’assistance frémit de désapprobation, avec un vague sentiment de culpabilité au fond de l’âme.
— Horrible coutume liée à la superstition, dit Efisia, je me rappelle avoir vu ça quand j’étais enfant, à la campagne, pas loin d’Oliena, j’étais horrifiée et terrifiée à la fois... Mais regarde celui-là, je crois que c’est ton faucon ! On va demander.
— Comment ça, mon faucon ?
— Oui, confirme la fauconnière, une jolie jeune femme brune, c’est le faucon de la reine, ou faucon d’Eleonora.
Elle a pris sur son poing ganté l’élégant rapace aux longues moustaches et à la queue effilée.
— Je l’aime bien, elle est joueuse, c’est une femelle, plus grande que le mâle, avec un cercle oculaire d’un beau bleu. Sa couleur sombre est plutôt rare. On se connaît bien, toutes les deux.
Elle dépose un baiser léger sur la tête de l’oiseau qui ferme les yeux de plaisir.
— Pourquoi porte-t-elle ce nom ? s’enquiert l’adolescente.



Extrait 1e partie, chapitre 9

"Sources de vie"

Il l’aime, pas comme il a aimé Lucile, on n’aime jamais deux fois de la même façon, il en est sûr maintenant. Efisia est aussi mystérieuse et attachante que son île. Elle en a la beauté un peu âpre, la sensualité, l’audace et la fierté, la passion de la liberté, les reflets changeants de son ciel et de ses rivages.
La guide glisse ses doigts écartés entre les siens :
— Tu penses à Lucile, n’est-ce pas ?
Comment a-t-elle deviné ? Est-il si transparent ? L’intuition de sa compagne le surprend régulièrement.
— Ceux qu’on a aimés très fort font partie de nous, poursuit-elle. Elle est en toi. Je ne suis pas jalouse. Ce que tu as vécu avec elle t’appartient, garde tes souvenirs les plus beaux et construisons ensemble ceux qui demain seront les nôtres. Je n’ai jamais aimé avant toi, de toutes mes forces je souhaite qu’il n’y ait personne d’autre pour le reste de ma vie.
Ils s’arrêtent. Paul la prend dans ses bras et ils échangent un long baiser sans se soucier des rares passants qui détournent le regard.



Extrait 2e partie, chapitre 1

"L'évasion"

Nul n’aurait pu imaginer que la discrète compagne de Brancaleone Doria deviendrait la guerrière et la fine politique qui, depuis des années, se dressait contre la puissance aragonaise. Plus encore que de Timbora de Rocaberti, elle était bien la fille de Mariano IV, admiré de tous pour son intelligence et son courage, incarnation du peuple sarde tout entier. Si la peste ne l’avait pas emporté brutalement, comme tant de femmes et d’hommes de son île, peut-être serait-il parvenu à réaliser son rêve d’une Sardaigne unifiée, en dépit de l’arrogance aragonaise.
Sa fille reprenait le flambeau. Face aux rebelles et à l’ensemble des habitants mécontents, elle savait imposer sa fermeté alliée à un sens aigu de la justice.
Le soir était descendu sans qu’elle y prît garde. Ainsi enveloppée d’ombre, elle semblait plus austère encore, presque inquiétante. Un domestique portant la livrée des princes d’Arborea entra sans bruit pour accrocher une torche qui lança aussitôt une lumière dansante sur le mur de pierre. Sans un mot, Eleonora se retourna lentement tandis que se refermait la lourde porte de bois. Fixant la flamme vacillante qui se reflétait dans ses yeux en étincelles étranges, elle concentra toute son énergie et lorsqu’enfin, d’un pas rapide, elle se décida à quitter la tour, il était clair qu’elle avait pris sa décision.



Extrait 2e partie, chapitre 4

"Rien ne bouge"

Soudain, une clairière s’ouvrit sur un chaos de rochers moussus et l’air s’emplit du bavardage d’une cascade qui rebondissait de marche en marche sur un escalier naturel, tapissé de vert, avant de s’étaler en nappe transparente dans un bassin circulaire. Eleonora laissa son cheval assoiffé s’approcher de l’eau et elle s’apprêtait à descendre se désaltérer elle aussi quand une voix l’interpella :
— Halte-là ! Ôte ta sale bête de mon eau ! Qu’elle cesse de la souiller !
Outrée, la Judikessa chercha des yeux l’insolent, à demi dissimulé derrière l’arrondi d’un énorme bloc :
— N’insulte pas mon cheval ! Il ne fait que profiter d’une onde qui dans la nature appartient à tous !
— Tu veux rire ! tonna l’homme qui, d’un bond, surgit aux pieds de celle qu’il n’avait pas reconnue. Cette eau m’appartient et pour s’en approcher, il faut payer, sinon !...
De haute stature et plus agile que ne le laissait supposer son apparence trapue, il accompagnait sa menace en brandissant un énorme coutelas de bandit.
Eleonora, avec une force décuplée par la colère, fit jaillir un éclair de sous sa cape et désarma l’homme d’un coup d’épée si violent qu’il en eut le poignet tranché. Il s’effondra en hurlant et son sang se répandit dans l’eau claire.
— Ainsi sera désormais châtié tout homme qui prétendra s’attribuer le bien de tous, décréta Eleonora, descendue à terre.



Extrait 2e partie, chapitre 7

"Le retour"

Confiné trop longtemps entre quatre murs, [Brancaleone] fut pris de vertige et ralentit son cheval : il regardait avidement les collines, les petits bois, les hameaux et surtout l’horizon qui, avec les premières lueurs du jour, se teintait de violet. La brise venue de la mer était froide mais il n’en avait cure, il n’entendrait plus les hurlements du vent s’engouffrant entre les rochers, les tours et les ruelles de Castedd’e sùsu. Pas une fois il ne se retourna, mais il eut longtemps l’impression que Càller pesait encore sur ses épaules.
Quand la troupe longea des marais salants, il huma l’air avec ivresse, retrouvant des odeurs perdues. Puis ce furent des étangs qui lui en rappelèrent d’autres et le temps où il allait chasser. Il repéra une flotille de foulques noires aux becs blancs, il crut reconnaître une colonie de hérons à la robe pourpre, un premier s’envola dans un lent battement d’ailes, aussitôt suivi par d’autres, il accompagna du regard leurs silhouettes anguleuses.
Au milieu de la journée, on s’arrêta près d’un ruisseau pour étancher la soif des hommes et des chevaux. Dans une flaque d’eau claire où luisaient des cailloux, Brancaleone vit le reflet d’un visage, il se retourna mais il n’y avait personne. Ces cheveux blanchis et hirsutes, cette barbe broussailleuse, ces yeux enfoncés dans les orbites, c’étaient les siens. Il ne s’était plus regardé dans un miroir depuis si longtemps qu’il ne se reconnaissait pas.



Extrait 2e partie, chapitre 8

"Mina"

Ensuite, se déroula une étrange scène. Calonge, accablé, voulait cependant croire qu’ils avaient affaire à des corsaires et que la male heure n’était pas encore venue ; il s’attendait à être dépouillé de sa cargaison et de son bateau, fait prisonnier avec tout l’équipage et les passagères. Des pirates les auraient tous massacrés, séance tenante, se disait-il pour se rassurer. Or, que voyait-il ? Tous les soldats avaient été promptement désarmés, les officiers, les rameurs et le reste des mariniers tenus en respect. Celui qui paraissait le chef s’était d’abord élancé sur le pont, suivi par ses hommes. Puis il avait marqué un arrêt avant de rejoindre Mina qui, toujours intrépide, s’était hasardée sur la coursive au centre du bateau.
Calonge en eut le souffle coupé. Il voyait l’homme de dos, avec son ample chemise blanche, sa large culotte de toile grise, sa ceinture de cuir où il venait de glisser son sabre, et ses souliers noirs à boucle. Qu’allait-il se passer ? Il les vit se parler et aurait donné cher pour entendre ce qu’ils se disaient !
— Dame, je vous trouve bien imprudente.
— Où que je me trouve sur cette galée, je suis à votre merci et ne puis que m’en remettre à Dieu ! répondit crânement Mina.
— Vous ne courez aucun danger, je vous l’assure.
— Seriez-vous un corsaire ? Au service de quel souverain, je vous prie ?
— Je ne suis à la solde de personne !
— Un pirate alors !
— Un pirate d’honneur qui sillonne la mer pour survivre et, à l’occasion, ravitailler ses compatriotes sardes persécutés par d’impitoyables ennemis !



Extrait 2e partie, chapitre 9

"Vies de femmes"

Pressée de questions, la paysanne raconta que, la veille, sa Luciana avait été surprise par un garçon du village en train de rassembler les tiges d’asphodèles mises à sécher au frais derrière la maison. Il l’avait jetée à terre et violée. Personne n’avait entendu les cris de la pauvrette et on l’avait retrouvée, les vêtements déchirés et l’air égaré.
— Elle s’en remettra, conclut la mère fataliste. Elle se mariera et tout sera dit. Pour l’instant elle refuse Giacomo comme mari. Mais on ne lui demande pas son avis et le majore de villa obligera Giacomo à l’épouser.
Eleonora tira de sa ceinture une petite bourse :
— Pour Luciana, dit-elle, il faudra que cessent de tels crimes.
— Que Dieu vous bénisse, notre Judikessa, dit la femme, joignant les mains et se courbant. J’ai honte pour ma fille qui vous a manqué de respect en fuyant.
— Ce n’est ni à vous ni à Luciana d’avoir honte. Le seul coupable ne se cache même pas et doit se glorifier de son forfait, je ne le sais que trop bien.
— Elle n’est ni la première ni la dernière, commenta la mère en glissant l’argent dans le sac qu’elle portait accroché à sa jupe. Les hommes, faut s’en méfier, ce n’est pas faute de le lui avoir répété.
Eleonora se détourna, révoltée intérieurement et décidée à inscrire dans sa charte une loi qui reconnût les femmes comme des personnes juridiques et leur accordât des droits.

L'éditeur

Cap Béar Editions, une maison dynamique qui propose joliment à ses lecteurs de "s'offrir l'évasion des mots".

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