Libres Esclaves, roman (280 pages), est paru le 26 novembre 2021. |
Le livre |
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Le point de vue de l'éditeur :
En 1458, à Collioure, débarque un lot d’esclaves, attendu par un marchand qui les revend. Parmi eux, une jeune Circassienne et un pêcheur africain. Avant que le destin ne les rapproche, chacun perdra son identité en même temps que sa liberté, en un temps où l’esclavage est encore de mise, chez les bourgeois de Perpignan ou dans les champs et vergers de la plaine roussillonnaise.
Celle qu’on nomme désormais Caterina doit affronter un monde dont elle ignore tout : asservie, exploitée, soumise au bon vouloir de son maître, un riche drapier, elle connaîtra le pire. Le pêcheur, devenu Baffumet, contraint aux rudes travaux de la terre n’a qu’une idée en tête : fuir vers Toulouse où le droit d’asile est assuré.
L’histoire de ces deux êtres se déroule à une époque où, en pays catalan, la guerre, avec son cortège de destructions et de famines, ajoute à leur détresse.
Comment se rencontreront-ils ? Resteront-ils libres dans leur tête ? Échapperont-ils un jour à la servitude ?
Une recherche historique approfondie étaye ce magnifique roman et donne à voir un aspect oublié des us et coutumes d’une société roussillonnaise qui, longtemps encore, pratiquera l’esclavage, comme c’était le cas sur tout le pourtour de la Méditerranée.
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Extraits |
Extrait 1e partie, chapitre 1
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Elle n’avait que douze ans ; elle ne le savait pas car elle ne connaissait pas son âge ; on lui en aurait facilement donné quinze ; toutefois, à l’évidence plus jeune que ses compagnes, elle avait vite compris qu’elle ne pourrait compter que sur elle-même. Les autres l’ignoraient. De toute façon, il était interdit de parler. Sur le bateau, elle avait vu l’un de leurs gardes rouer de coups deux malheureuses, pour quelques mots échangés.
Depuis des jours et des jours, un étau d’angoisse serrait la poitrine de la pucelle. Qu’elle s’endormît d’épuisement ou qu’elle restât éveillée, des visions cauchemardesques l’envahissaient. Elle revivait l’anéantissement de son village par des hordes d’hommes sans pitié qui tuaient, volaient et incendiaient. Cachée derrière un buisson du minuscule jardin potager de la maison familiale, elle avait assisté au massacre de ses parents et de ses frères.
À la nuit tombante, elle avait cru pouvoir s’enfuir en direction de la forêt voisine. Elle était presque à couvert des premiers arbres quand des éclats de voix l’avaient avertie qu’on l’avait repérée.
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Extrait 1e partie, chapitre 3
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Depuis sa capture, le pauvre Baffumet avait revécu à maintes reprises leur dernière et fatale sortie. Il voulait comprendre comment et pourquoi ils s'étaient ainsi laissé surprendre. Une galère rapide avait brusquement surgi des profondeurs d'une anse. En quelques instants, elle fut sur eux. L'équipage s'empara de leur cargaison de grain et coula le boutre qui s'abîma peu à peu dans les flots.
Baffumet n'oublierait jamais la vision du mât qui s'enfonçait, et surtout les gestes désespérés de son cousin, tombé à l'eau ; une vague l’emporta, le submergea et Moussa ne reparut pas.
Des corsaires ou des pirates ? Quelle différence de toute façon, pour son frère et lui qui s’étaient retrouvés enchaînés à fond de cale ? Des Gênois – il en était presque certain – qui les avaient vendus dans un port dont il ne connaissait pas le nom. Qu’était devenu Ali ? Ils avaient été séparés tout de suite, sans avoir seulement pu se dire un véritable adieu. Le reverrait-il un jour ?
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Extrait 1e partie, chapitre 7
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Le parayre avait un ouvroir de fileuses, tout près, au carrer de les parayries cubertes ; elles étaient toutes des femmes libres, qu’il payait d’ailleurs très peu, mais introduire Caterina parmi elles n’était pas pensable. De toute façon, employer des esclaves dans les ateliers de draps était interdit par décret. En outre, avoir ainsi sous sa coupe la jeune pucelle lui procurait un plaisir qu’il savourait. […]
Le soir venu, elle était épuisée. La longue station debout était difficile à supporter. Il lui arrivait de s’interrompre pour s’asseoir un moment par terre, l’oreille aux aguets, au cas où elle aurait entendu quelqu’un approcher.
Pourtant, ce travail ne lui déplaisait pas, il lui rappelait son enfance et elle aimait sa solitude, son esprit vagabondait au loin, stimulé par la vision d’oiseaux qu’à travers la fenêtre, elle voyait voler à tire-d’aile. Elle les imaginait s’enfuir vers la mer, et la franchir en direction de terres accueillantes qui ressemblaient à celle qui avait été la sienne en Circassie. Depuis quelque temps, elle parvenait, sans pleurer, à revoir son village natal et les silhouettes de ceux qu’elle avait aimés. Leurs visages restaient flous, malgré ses efforts.
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Extrait 1e partie, chapitre 14
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Abdallah [...] se croyait à l’abri parce qu’il avait évité de passer par Foix.
La journée s’achevait quand il vit arriver, face à lui, trois gardes à cheval. Affolé, tournant la tête de tous côtés, il chercha où fuir, ce qui le perdit. Il parut aussitôt suspect et fut sommé de s’arrêter. Il balbutia qu’il était un pèlerin en route pour Saint-Jacques-de-Compostelle.
— Pèlerin, toi ? Je ne vois pas tes insignes de Jacquet ! Montre ton sauf-conduit.
Anéanti, Abdallah essaya encore de faire valoir que des brigands l’avaient dépouillé de tout mais les hommes ne le crurent pas.
— Faudra trouver autre chose, s’esclaffa celui qui paraissait le chef, un colosse au visage épais et rougeaud. On t’emmène !
Les mains liées, attaché par une corde, il fut tiré, parfois traîné quand il tombait, en direction de Foix.
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Extrait 2e partie, chapitre 20
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Penchée au-dessus de l’eau, Caterina vit dans l’onde claire son visage et celui de Jordi. Elle se retourna pour voir qui était cette jolie jeune personne qui osait se tenir si proche de son galant. Jordi, attendri, éclata de rire :
— On voit, dit-il, que tu n’as pas l’habitude de contempler ton image. Il n’y a donc pas de miroir d’étain chez les Jaubert ? Tu ne regardes jamais ton reflet dans l’eau d’une fontaine ou d’un bassin ?
Vexée, Caterina s’était redressée, elle comprit et rougit mais ne résista pas à l’envie de voir à nouveau son reflet. C’était vrai qu’elle ne se connaissait pas, elle n’avait jamais songé à scruter une quelconque surface d’acier poli. D’un geste instinctif, elle arrangea sa coiffe et fit disparaître une mèche de cheveu vagabonde.
— Je connais un colporteur qui vend de petits miroirs de fer avec un bout de futaine fine pour les polir. J’espère qu’il lui en reste ! Je t’en offrirai un et chaque fois que tu te regarderas, tu verras la plus belle femme du monde et tu penseras à moi !
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Extrait 2e partie, chapitre 26
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Se doutait-il des craintes qui rongeaient en permanence Caterina ? Sans doute pas, en homme de son temps, habitué à considérer que les esclaves sont assimilables à des objets qui n’ont pas d’émotions. Il avait apprécié l’habileté de la fileuse et le savoir-faire de la nourrice, mais cela l’arrangeait de considérer qu’elle ne pouvait avoir qu’une réflexion limitée.
Caterina était pourtant intelligente, sensible et intuitive. Plus Arnau avançait en âge, plus elle redoutait qu’En Antillach se débarrassât d’elle en la vendant. Elle savait que les achats d’esclaves se raréfiaient mais il pouvait décider de la céder à bas prix. Elle avait peur aussi que son maître prît ombrage de l’affection trop visible que lui portait le petit. Sur les conseils de Margarita, toujours aussi clairvoyante, elle s’efforça de prendre ses distances avec lui.
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Extrait 2e partie, chapitre 27
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Les Français, déstabilisés par ce harcèlement incessant, privés de munitions et d’un ravitaillement suffisant, songèrent à lever le siège mais y renoncèrent, redoutant les châtiments dont les avait menacés le roi de France, en cas d’échec, dans des messages successifs.
À l’intérieur de la ville, la situation était intenable par manque de vivres. Depuis longtemps, on avait mangé tous les animaux domestiques, à commencer par les chevaux, les ânes et les mulets. On avait ensuite dévoré les chiens, les chats et les genettes. Et quand, faute de prédateurs, se montrèrent au grand jour les rats, on leur fit la chasse, et il n’en resta plus un seul. Tous passèrent sur le gril ou finirent en ragoût. Apprenant ce à quoi en étaient réduits les malheureux habitants, leurs ennemis les baptisèrent par dérision « menjarates », mangeurs de rats.
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Extrait 2e partie, chapitre 30
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Il s’agissait maintenant de conditionner les anchois dans des pots de terre ou de verre, en les nettoyant et en les superposant en couronne, saupoudrés de sel à chaque couche, puis, juste avant la fermeture du récipient, recouverts d’une saumure particulière, savamment dosée par une anchoieuse spécialisée.
Il fallait se dépêcher mais faire preuve de délicatesse pour manipuler ce petit poisson bleu, si fragile que le moindre geste maladroit pouvait le briser. Aziadé prit vite le coup de main.
— Avec l’agilité de tes doigts fins, tu pourras d’ici peu préparer les filets, observa celle qui supervisait l’atelier.
Inquiète, elle jeta un coup d’œil à la table voisine, où d’autres femmes travaillaient, elle en observa une en train de saisir un poisson, pour en extraire l’arête centrale et séparer les filets, d’un geste si vif qu’elle ne comprit pas tout de suite la manipulation.
Elle apprendrait.
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L'éditeur |
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