François de Fossa - L'EXIL d'un virtuose


François de Fossa - L'EXIL d'un virtuose, roman (Première époque - 308 pages), paru en juillet 2015.

Le livre

Le point de vue de l'éditeur :

Quel destin hors du commun !
François de Fossa, jeune guitariste, fuit la Catalogne, la France et la Révolution, pour s'exiler en Espagne.
Ce jeune homme exalté vit et assouvit ses passions tel un aventurier.
Il fait sienne cette réplique de L'École des Maris de Molière :
« … Les verrous et les grilles / ne font pas la vertu des femmes ni des filles. »
Il s'enflamme pour la beauté et le charme des Madrilènes et des Andalouses. Son appétit élégant pour la gent féminine ne sera supplanté que par cette soif d'exprimer sa virtuosité tant comme interprète que comme compositeur.
Seule la musique sera la maîtresse à laquelle cet éternel séducteur restera fidèle.
Homme de paradoxe, François de Fossa portera l'uniforme cinquante ans durant.
Une vie romanesque qui l'entraînera jusqu'au Mexique.
Une vie romanesque qui traversera la Révolution et l'Europe de Napoléon avec opportunisme.
Nicole Yrle offre son talent, son style précis et subtil à la vie extravagante de ce jeune homme autodidacte et romantique avant l'heure.

Portrait de couverture : Encre originale de Thierry Delory d'après un portrait peint existant.
Photo de l'instrument en couverture : Loïc Robinot
Guitare romantique appartenant à Francisco Ortiz

Extraits



Extrait du chapitre 5

"Nouvelle-Espagne"

À Mexico, il a revu la veuve, si désolée de la tournure des événements qu’elle en est malade.
— Rien ne peut arrêter Josefa, affirme-t-elle. Son tempé­rament violent, ses emportements sont connus de tous. Elle est dangereuse, je l’ai entendu insinuer des doutes sur vos origines et aller jusqu’à dire que vous ne devriez en aucun cas être ici, en Nouvelle-Espagne.
Francisco frémit. Officiellement, il est Catalan, né dans la province espagnole de l’Ampurdan et élevé en France, comme sa sœur, restée à Perpignan. Seuls quelques rares intimes savent qu’il est Français. Comment Josefa aurait-elle pu apprendre quoi que ce soit ? A-t-il laissé échapper le début d’une confidence inconsidérée ? Se fonde-t-elle simplement sur une intuition féminine exacerbée par le désir de vengeance ?
— Le mensonge, la calomnie sont des armes redoutables, répond Fosa, très pâle.
— Ajoutez à cela une habileté hors du commun et vous jugerez vous-même de la situation désespérée dans laquelle se trouve ma chère Pepita. Je connais votre sincérité et j’aimerais…
La phrase de la veuve reste en suspens.
— Vous ne faites qu’ajouter à mon propre accablement, se lamente le jeune homme.
— La seule personne qui pourrait retenir Josefa, c’est son confesseur. Elle est pieuse et elle écoute ses conseils… Je ne peux rien vous dire de plus, hélas…



Extrait du chapitre 7

"Le retour"

— Pourquoi le Destin nous a-t-il rendus frère et sœur ? lance-t-il à brûle-pourpoint en direction de Thérèse.
Surprise, elle fronce les sourcils et demande :
— Que veux-tu dire ? Je suis heureuse d’être ta sœur…
— Tu le sais bien, ce que je veux dire. Où que j’aille, je suis seul. Dès l’enfance, tu as été mon unique amie, la seule à qui je puisse tout dire, et tu l’es restée. Je cherche en vain, depuis des années, une femme digne de toi.
— C’est de toi qu’il faut qu’elle soit digne, François.
— Je veux que tu puisses la regarder comme plus qu’une belle-sœur… Aucune de celles que j’ai rencontrées n’est comparable à toi.
— Pourtant, Jeannette…
— Oui certes, ce n’était pas le cas des autres, mais elle, je le reconnais, elle te ressemble un peu par ses manières, ses sentiments et son éducation. Elle m’aime, j’en suis sûr maintenant, elle a de grandes qualités, celles qu’on peut attendre d’une épouse et de la mère de ses enfants. Pourtant parfois, je sens en moi des hésitations que je ne m’explique pas.
— Combien de fois t’ai-je reproché de te torturer inutilement ! Que tu es ombrageux ! Je me demande si tu connaîtras jamais le bonheur, soupire Thérèse.
— Nous vivons une époque trop tourmentée pour espérer vivre heureux, nous en avons la preuve tous les jours. L’esprit des Lumières devait, paraît-il, nous délivrer de toute oppression et nous ouvrir les voies du Progrès. J’ai cru au droit naturel mais je ne cesse de m’interroger : pourquoi les préjugés de notre siècle prétendument éclairé ont-ils aboli les coutumes des premiers âges de la nature ?
Thérèse rougit et ne répond pas. Ce qu’il lui dit là, il le lui a déjà écrit à mots plus ou moins couverts.



Extrait du chapitre 9

"Chagrin, mystère et musique"

— Je crois donc venu le moment que nos amis vous offrent un petit concert, intervient Canclaux tout sourire.
Chateaubriand acquiesce et à sa suite, toute la société s’installe en cercle sur des fauteuils, des chaises ou de simples tabourets, face à Fosa entouré du violoniste et du bassiste qui aiment à jouer avec lui. Selon une méthode éprouvée, ils attendent en silence jusqu’à ce que les habituels murmures de conversation s’éteignent peu à peu.
Alors s’élève le trio concertant que Fosa a composé quelques années plus tôt. La complicité des musiciens est perceptible car les trois instruments dialoguent à égalité au cours des trois mouvements. Aucun n’est réduit à l’accompagnement des autres. Des yeux se ferment pour mieux écouter la douce romance à l’andante sostenudo et le minuetto joyeux qui succèdent à l’allegro initial. L’impression d’harmonie totale est donnée par les moments où les trois instruments se valorisent en jouant ensemble. Le final enlevé vient clore ce trio concertant dont la modernité frappe tous les auditeurs. On félicite chaudement les interprètes émus.
Chateaubriand s’approche de Fosa :
— Il se dégage de votre guitare une puissance et une hardiesse qui me semblent rares. Votre virtuosité m’a fasciné.
Francisco rougit sous le compliment, incapable d’articuler un seul mot.
— Voyez comme votre démonstration confirme ce que nous disions tout à l’heure. Vous êtes la preuve qu’on peut tout exprimer avec quelques notes de musique, ajoute l’écrivain qui déjà s’éloigne.



Extrait du chapitre 11

"Dos y tres de mayo"

Francisco est loin, il court de rue en rue. Arrivé au numéro 12, devant la maison de Daoíz, il marque un temps d’arrêt, pousse la porte entrouverte et s’avance : l’officier repose sur son lit de mort dans son uniforme de capitaine. On reconnaît Fosa, on lui chuchote que le Capitaine a rendu le dernier soupir à peine arrivé, qu’on s’apprête à le conduire à l’église San Martin où il sera enterré. S’il veut l’accompagner… Le corps de son ami Velarde y est déjà, ils seront ensevelis côte à côte.
Bouleversé, Fosa suit le cortège furtif, il a l’impression de vivre un mauvais rêve. Dans la pénombre du lieu saint, une assistance compacte se recueille pour une brève cérémonie, chargée d’émotion.
Dehors, questions et réponses fusent dans une atmosphère dramatique. Des exécutions se déroulent près de la fontaine à la Puerta del Sol, dans le patio d’une église, et sur la montagne du Principe Pio. On fusille des soldats mais aussi des civils arrêtés sous les prétextes les plus futiles. On entre dans les maisons, on fouille, on tue les blessés dans leur lit, des pères de famille dont les enfants ont brandi un bout de bois ou un petit couteau.
Fosa rentre chez lui en rasant les murs. Salinero écoute en pleurant le martyr madrilène qu’il lui raconte à son retour, terrifié et conscient de ne pas tout savoir des atrocités commises.



Extrait du chapitre 15

"Tragédie"

Soudain, dans la galerie, un courant d’air soulève un rideau de mousseline qui frôle les bougies d’une applique et s’enflamme aussitôt. Un chambellan s’élance et arrache d’un geste vif le voilage en feu. Mais de courtes flammes s’emparent de guirlandes, bondissent sur les ornements de gaze et les fleurs. Plusieurs hommes présents viennent à la rescousse et montent sur les banquettes pour saisir et faire tomber ce qui brûle. Plus rapides qu’eux, des étincelles sautent et des flammèches courent le long de la galerie jusqu’à atteindre la salle du bal.
Aussitôt prévenu, l’empereur se penche vers Marie-Louise, lui dit quelques mots et la prend par la main. Francisco qui ne dansait pas les voit sortir par la porte dérobée, suivis de plusieurs hauts dignitaires. En même temps, une odeur âcre parvient à ses narines et une draperie s’enflamme à quelques mètres de lui ; des guirlandes se tordent et tombent en tournoyant sur des gorges, des épaules et des bras nus.
En un instant, la panique s’empare des danseurs. Des cris de douleur et d’épouvante jaillissent. Le plafond s’embrase d’un coup, l’orchestre s’est tu et l’on entend le crépitement des flammes puis le grondement du feu qui a atteint le toit et s’attaque aux murs et cloisons de bois. La salle de bal n’est plus qu’un immense brasier. Il pleut des gouttes de goudron et de cire qui infligent de cruelles brûlures.
D’abord pétrifié, Francisco cherche du regard Azanza et des amis avec lesquels il devisait quelques instants auparavant. Personne de connaissance à proximité. Il prend le parti de penser à lui-même et de sortir au plus vite du piège.

L'éditeur

Cap Béar Editions, une maison dynamique qui propose joliment à ses lecteurs de "s'offrir l'évasion des mots".

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