Les Dames de Paulilles


Les Dames de Paulilles, roman de 260 pages, est paru le 5 novembre 2010 aux éditions du Cap Béar.

Le livre

Le point de vue de l'éditeur :

À quelques encablures du cap Béar, nichée entre Banyuls et Port-Vendres, la baie de Paulilles, joyau de la Côte Vermeille, recèle tout un pan de l’histoire du Roussillon.
Madeleine, Marie, Maria ou Marion, les « Dames de Paulilles », ouvrières à l’usine Nobel, sont les actrices d’une épopée humaine qui entrelace le quotidien de femmes et d’hommes à la fois humbles et nobles, confrontés au mépris de quelques intérêts particuliers et à la violence d'un XXe siècle traversé par les guerres.
Une Histoire dont les soubresauts et les zones d’ombre marquent chaque personnage de leur empreinte. En 1916, des Annamites ne furent-ils pas contraints de quitter leur pays pour servir la « mère patrie » et remplacer les ouvriers envoyés au front  ?
Marine, la descendante des quatre ouvrières, s’attache à préserver leur riche mémoire, tout en poursuivant sa propre quête qui, de silences en secrets bien gardés, apportera un jour d’apaisantes révélations.
Génération après génération, l’aventure des « Dames de Paulilles » tisse des destins poignants, hésitant entre amours et tragédies, plaisirs simples et souffrances.
Un récit prenant, dédié à l’humanité, la dignité et la solidarité, servi par une écriture intense et imagée.
Un hymne émouvant, rythmé par les passions, les espérances et la fierté des « Dames de Paulilles ».

Extraits



Extrait du chapitre 8

Le mouvement d’ensemble était si réussi qu’on voyait onduler le dragon en vagues saisissantes de vie tandis que les jambes des danseurs, seules visibles, s’activaient en un rythme savant. Des musiciens improvisés battaient des mains en cadence, d’autres frappaient avec des baguettes sur toutes sortes de récipients devenus tambours. Le corps démesuré montait, descendait, tournait, s’enroulait sur lui-même puis se déroulait, dessinant en l’air de gracieuses arabesques. La tête énorme s’agitait de droite et de gauche. Des cornes taillées dans des branches d’arbre faisaient penser à des bois de cerfs. Une moustache et une longue barbiche confectionnées à l’aide d’herbes sèches amusèrent beaucoup les enfants ainsi que la crinière de lion qui ornait le cou. Le spectacle était fascinant. Le soir venu, des bougies allumées à l’intérieur du corps du dragon en firent une bête fabuleuse. Devant elle marchait un homme seul qui brandissait une boule blanche en papier tout au bout d’un long roseau en guise de perche. Il l’agitait doucement devant la gueule de l’animal peut-être censé chercher à l’attraper !
Éblouie, Marie avait envie de poser mille questions. Quand la danse prit fin, elle interpella un Annamite qui sortait tout ébouriffé de dessous le corps du dragon. Elle savait qu’il comprenait et parlait le français :
– Qu’est-ce que ça veut dire ce dragon ?
Essoufflé mais souriant, il lui répondit avec gentillesse :
– C’est l’image de la force, du courage et de la chance. Il annonce le retour du printemps.



Extrait du chapitre 11

Quand Marie, debout dans l’atelier, vit entrer Marion pour la première fois, toute menue dans sa blouse et tout intimidée, elle fut émue. Elle se doutait que Maria n’était pas d’accord et au fond d’elle-même, elle aurait préféré que sa petite-fille travaillât ailleurs. Mais elle ne pouvait s’empêcher d’être fière qu’une vraie fille de Paulilles, une fille de la quatrième génération, apprît le métier. En tant qu’ancienne, elle travaillait à la gomme mais elle avait obtenu de revenir à la poudre où on mettait toujours les nouvelles, le temps d’initier sa petite. Ensuite, on verrait comment les choses se présenteraient. Si Marion se débrouillait bien, apprenait vite, peut-être Marie pourrait-elle l’emmener avec elle à la gomme.
La bonne surprise fut que Marion n’eut pas de malaise comme en avait eu sa mère dès ses débuts. Juste un peu mal à la tête en rentrant le soir. Mais elle n’en soufflait mot et ce n’était jamais bien méchant. Au bout d’un mois, elle ne ressentit plus rien, même le lundi !
– Tu es comme moi, disait Marie. Les sales caboches comme nous, ça résiste mieux !
Marion riait, insouciante et complice d’une grand-mère qu’elle avait tendance à considérer comme une copine. La « copine » la mit au pas dès les premiers jours, autoritaire et exigeante avec elle comme elle l’aurait été avec n’importe quelle novice. La jeune fille s’appliqua, désireuse de ne pas décevoir celle à qui elle vouait une admiration sans bornes. Elle était habile et intelligente. Elle apprit vite au point de devenir une des meilleures. Sa grand-mère se garda de trop la complimenter, tout en pensant par devers elle que bon sang ne saurait mentir.
Marion n’eut pas son pareil pour rouler en un tour de main la cartouche en papier ou pour la bourrer prestement. Sur son carnet, les quantités réalisées augmentèrent de jour en jour et elle réussit de jolies performances. En revanche, Marie ne réussit pas à obtenir qu’elle passât à la gomme au moment où elle, elle y retourna.



Extrait du chapitre 18

L’incroyable nouvelle frappa de stupéfaction les habitants du département, pourtant déjà inquiets. On n’attendait pas une telle masse. On apprit peu à peu qu’il en arrivait de partout, à Prats de Mollo, au Perthus, à Cerbère, à Saint Laurent de Cerdans, par tous les cols.
Cette année-là, février fut glacial, la neige tomba sur les fuyards, misérables fourmis cheminant avec difficulté par tous les chemins et sentiers des Pyrénées pouvant les conduire en France, pays frère devenu leur unique espoir de salut. C’était le déferlement de la Retirada.
Le soir du sept février, tout était tranquille à Paulilles. Les familles se tenaient au chaud près du poêle. Un roulement continu sur la route résonna soudain puis s’amplifia. Malgré le froid, Étienne et Maria comme beaucoup d’autres habitants sortirent de chez eux, scrutant l’obscurité. Des véhicules hétéroclites par groupes de cinq ou six se suivaient en un défilé interminable. Ils roulaient lentement. Sur les plates-formes des camions dépourvues de bâches on devinait des silhouettes tassées les unes contre les autres. À la lumière des phares du véhicule qui suivait, Maria aperçut, appuyé contre une ridelle, un visage d’enfant dévoré par de grands yeux sombres. Happé par l’ombre, il disparut mais son image tragique resta incrustée dans l’âme de la future mère.
– C’était donc vrai ! On m’a dit qu’ils étaient des milliers à attendre au col des Balistres. Des colonnes entières sont déjà passées par le tunnel de Cerbère.



Extrait du chapitre 21

C’est une belle bousculade dans la tête de la jeune fille. Elle voulait qu’on lui racontât Paulilles. Eh bien, elle a été servie ! Jamais sa grand-mère et sa mère n’avaient été aussi loquaces. Il est vrai que jamais non plus Marine ne s’était montrée aussi curieuse et obstinée dans ses questions. Elle sent que les réponses aux interrogations qui la taraudent de plus en plus sont cachées là, dans les souvenirs de ces deux femmes si différentes et si semblables parfois. Comme elle regrette de n’avoir pas connu Marie, morte dix ans avant sa naissance. Marion, c’est Maman. Maria, c’est Iaia. Rien de plus naturel. Mais Marie, c’est Marie. Comment l’aurait-elle appelée si elle avait vécu ? C’est difficile de l’imaginer en arrière-grand-mère quand on n’a d’elle que l’image d’une jeune femme. Marine devine une grande complicité entre son aïeule et sa propre mère pour avoir entendu l’émotion faire trembler la voix de Marion parlant d’elle.
Toutes les trois des filles de Paulilles, nées sous son ciel, élevées dans son vallon, enracinées dans un sol où elles ont travaillé, aimé, vu leurs enfants grandir. Et elle, qui n’a vécu dans ce village ouvrier que quatorze ans, est-elle aussi enfant de Paulilles ? Elle se sent riche des expériences et des souvenirs engrangés par celles qui l’ont précédée, même si elle ne les connaît pas tous. Alors pourquoi ce doute, cet étrange sentiment de n’être semblable à aucune de ces trois femmes, comme si elle n’était pas tout à fait leur héritière ?



Extrait du chapitre 22

Des dessins sans signature, sans date. Tracés d’une main ferme, tantôt au crayon à papier, tantôt à la plume, ils dénotent un savoir-faire précis. Ce qui frappe Marine, c’est que tous offrent une économie de traits remarquable, ce qui ne les empêche pas de suggérer avec force ce qu’ils représentent. Elle reconnaît la baie de Banyuls et l’arc de sa plage, celle de Port-Vendres avec son sémaphore, ses maisons serrées, son église à coupole regardant la mer sur laquelle naviguent gros bateaux et barques de pêche. Des vaguelettes à peine esquissées suffisent à suggérer le mouvement de l’eau et on voit des oiseaux marins traverser le ciel. Voici l’anse de Paulilles, vue de la mer, ses deux « montagnes », sa plage, les hautes cheminées de l’usine. Sur l’eau, danse une barque catalane, non loin du ponton. À l’arrière-plan, quelques lignes figurent la voie ferrée, des arbres et des vignes grimpent à l’assaut des coteaux. Sur une autre feuille encore, des tiges graciles s’élancent en courbes délicates, on dirait les bambous d’un dessin oriental.
Marine est fascinée par la maîtrise de l’artiste. Car elle en est certaine, c’est une même main qui a ainsi traduit la beauté de sites qu’elle connaît par cœur. Elle passe d’un paysage à l'autre, emplie d’admiration.
Soudain, elle reçoit un choc. Elle ne s’attendait pas à ce qu’elle a maintenant sous les yeux.

L'éditeur

Cap Béar Editions, une maison dynamique qui propose joliment à ses lecteurs de "s'offrir l'évasion des mots".

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